Noël à Nîmes, années 50, années 60…
Bientôt Noël !
Martine nous offre cette belle photo des arènes prise hier soir au pied de la statue. Et Paul évoque avec nostalgie le souvenir de Noëls passés, des souvenirs de temps heureux. Le regard de l'enfant est toujours là...
En cette période de l'année, les arènes dorment en attendant la prochaine Pentecôte. Les vieilles pierres romaines des carrières de Barutel se couvriront alors de mille couleurs d'une foule bruyante qui attendra l'heure du paseo qui déboulera de la porte du toril après avoir attendu que « La Marseillaise » soit interprétée par la fanfare des sapeurs-pompiers, il n'y avait pas d'orchestre des arènes à cette époque.
Dans les rues de Nîmes, les magasins ont décoré leurs vitrines de lumières et de jouets, les bars des boulevards Gambetta, Victor-Hugo et Amiral-Courbet ou de l'avenue Jean-Jaurès (Pantel, Tortoni, Gambrinus) préparent leurs lotos annuels et accrochent à leurs frontons des paniers garnis de victuailles ou de gibiers. La réglementation de ces années d'après-guerre était rigoureuse en ce qui concerne les jeux et notamment le loto qui n'était autorisé que pendant une période limitée durant les mois de décembre et janvier. C'était le grand rendez-vous familial des soirées des fêtes de fin d'année.
Sur les boulevards de petites baraques étaient installées pour les écaillers qui, eux aussi, ne pouvaient vendre huîtres et coquillages que pendant les mois en « R ».
Bien évidemment les églises étaient ouvertes et résonnaient de chants religieux pour la messe de minuit. En face de l'église Saint-Paul, l'Armée du Salut en uniforme avait accroché un chaudron à une potence et recueillait les dons des passants en les appelant au son d’une cloche.
Sur les boulevards Victor-Hugo et Amiral Courbet, on déambulait allant de la Maison Carrée aux arènes et des arènes a la Maison Carrée ou du Grand Temple au magasin de meubles Bloch, en face l'Esplanade, qui est aujourd'hui à l'enseigne d'un restaurant de hamburgers. Des photographes faisaient crépiter leurs flashes et vous donnaient un petit carton pour aller retirer le cliché le lendemain dans leurs boutiques.
Photos en noir et blanc de familles, de mamans avec leurs enfants en poussettes ou en landau, de jeunes ados qui s'enveloppaient la gorge dans une longue écharpe, d'amoureux qui se tenaient par la main ou par les épaules pour ne pas se séparer dans la foule. Parfois à la galerie Jules-Salles, il y avait bal avec un véritable orchestre, comme à la Maison du Peuple en face des arènes et du Palais de Justice devenue aujourd'hui galerie d'art.
Dans les appartements, une branche de pin coupée souvent d'un arbre du mazet, était décorée de boules étincelantes et au pied, les enfants déposaient leurs chaussures en attentant « la belle nuit de Noël » que chantait Tino Rossi.
Dans les cinémas de la ville (Majestic, rue Émile-Jamais ; Éden et Studio, rue Godin ; Colisée, en face le Grand Temple ; Odéon, rue Pierre-Semard ; ABC, le cinéma permanent rue Colbert ; Corona et Vox place de la Couronne ; le Forum rue Poise en activité encore aujourd'hui ; l'Olympia rue Porte-de-France devenu une salle de sport le dernier dessin animé de Walt Disney était projeté ou des comédies avec Fernandel ou le dernier western ou péplum à la mode. Au Théâtre municipal qui remplaçait le grand Théâtre incendié en octobre 1952, le gala Karsenty ou une opérette étaient souvent les programmations des fêtes.
Mais pour nous enfants, le jeudi où nos parents nous emmenaient faire le tour des magasins de jouets afin d'écrire notre lettre au Père Noël, était un événement. Nous commencions par la rue de la Madeleine où à côté de la Maison Villaret, nous badions la vitrine du magasin de jouets puis, évidemment chez Juvenel, l'immeuble en face des Halles et la rue Général-Perrier où « Le Petit Paris » consacrait sa vitrine à Noël et aux jouets, puis « Les Dames de France » en face de l'église Saint-Baudile, les galeries Bloch, boulevard Amiral-Courbet comme le Prisunic. Enfin on arrivait rue de l'Aspic où pendant des années et des années, les plus beaux trains électriques étaient exposés et tournaient sans cesse.
Nos petits yeux éblouis ne savaient quoi regarder : les panoplies de cow-boy ou d'indiens, de Zorro, de Mousquetaires, de David Crockett ? Les voitures miniatures des DS, 203, Versailles, les camions de pompiers, les garages ? Une année dans la vitrine du « Petit Paris » à l'angle de la rue des Halles et du boulevard Général-Perrier, la maquette d'un cirque et son chapiteau multicolore nous avait tentés, mon frère et moi, mais le prix était hors de portée du porte-monnaie du Père Noël . Aussi notre tante, la sœur de maman, bonne couturière, avait compté le nombre de mats qui soutenaient la toile et avait confectionné le cirque avec une ouverture centrale qui soulevait la toile et où l'on déplaçaient méticuleusement, les chameaux, éléphants, tigres, lions, chevaux, otaries... que nous possédions dans nos boîtes de jouets.
Le jour de Noël nous découvrions à notre réveil, au pied du sapin, nos cadeaux et déchirions les papiers d'emballage avec nervosité, ce qui faisait râler les parents mais qui étaient aussi heureux que nous de partager nos étonnements. Je me souviens maintenant que notre père a toujours eu, ce jour là, une nouvelle paire de charentaise qu'il étrennait aussitôt en faisant disparaître les anciennes qu'il portait au pieds depuis 1 an. La journée de Noël était souvent l'occasion de réunir la famille et nous apparaissions alors avec nos cadeaux.
« C'est le Père-Noël de tata ou de la grand-mère qui nous a apporté ceci ou cela ? »
« Vous avez oublié d'ouvrir ce cadeau » désignait ma mère en sachant très bien que le livre ou le stylo à plume n'étaient pas l'objet désiré en priorité.
Mais la grande phrase était : « C'est parce que vous avez été très sages que le Père-Noël est passé et que vous avez promis de bien travailler à l'école. »
C'est bien des années plus tard que nous nous sommes aperçus que le Père Noël ne pouvait pas passer par la cheminée et que ma mère était si peureuse qu'elle n'aurait pas laissé la porte ouverte à minuit pour laisser entrer quelqu'un dans la maison.
Mais l'enfance à ses rêves que chacun de nous garde dans son cœur.
Paul Bosc