TAUROMACHIE ET POPULISMES : LE BAL DES HYPOCRITES
Le 8 décembre 2016, Antonio PURROY était l'invité des JEUDIS DU CERCLE. Une brillante intervention dont nous publions ici les principaux extraits.
Les populismes, ennemis de la Tauromachie
De manière traditionnelle, la Tauromachie a vécu en Espagne à l’intérieur d’un climat prohibitionniste, prohibitions beaucoup plus dures que les actuelles, puisqu’elles étaient prescrites par des papes et des rois. Les deux plus importantes ont été celle du pape Píe V, avec la bulle De salutis gregis dominici de 1567, qui prohibait les fêtes de taureaux dans tout le monde catholique « parce que les fêtes de taureaux n’avaient rien à voir avec pitié et charité chrétiennes ». À l’époque l’église voulait protéger les personnes et éviter les orgies et les bacchanales qui s’organisaient autour des spectacles taurins.
L’autre grande prohibition a été celle du roi Charles IV par son Ordonnance Royale de 1805, qui instituait la « Prohibition absolue dans tout le Royaume, sans excepter la Cour, des fêtes de taureaux et novillos avec mise à mort ». Curieusement, cette prohibition a eu une validité légale durant presque deux siècles, jusqu’à ce qu’en 1991, le socialiste Philippe González étant président du Gouvernement espagnol, la loi 10/1991 sur « les Pouvoirs administratifs en matière des spectacles taurins et ses conséquences » ait été approuvée. Comme on pouvait s’y attendre, durant cette longue période antérieure les spectacles taurins ont continué d’être célébrés en long et en large sur notre « peau de taureau ».
Quelques années plus tard, en 2010, le Parlement de la Catalogne a interdit les courses de taureaux en Catalogne mais non les correbous, ce qui a constitué une grande hypocrisie. En effet, qui a dit aux hommes politiques catalans que les taureaux dans la rue souffrent moins que dans l’arène? Il vaut mieux que six ans plus tard le Tribunal Constitutionnel espagnol ait aboli la prohibition de la Catalogne, par ce qu’aujourd’hui la Tauromachie est parfaitement légale sur tout le territoire espagnol.
Les mouvements animalistes
Depuis quelques décennies, un nouveau mouvement essaie de faire irruption fortement dans le contexte international pour subvertir l’ordre établi et substituer à l’humanisme chrétien, où l’homme est le centre intellectuel et moral de la vie ordinaire, une nouvelle interprétation par laquelle les animaux irraisonnables possèdent la même importance que la condition humaine, ce qui, à l’évidence, paraît insensé.
Le promoteur principal de cette nouvelle croisade animaliste est le philosophe australien Peter Singer, formé à l’Université d’Oxford et qui exerce comme professeur de bioéthique à l’Université de Princeton aux USA. En 1975, il a publié le livre Libération animale qui est devenu la bible des animalistes, puisqu’il défend l’égalité morale entre humains et animaux, et arrive à affirmer que la mort a la même valeur pour les uns et pour les autres.
Le courant animaliste s’abreuve aussi aux sources de l’écologisme profond, celui qui participe du monde végétarien et du véganien. Les véganiens sont opposés à l’élevage du bétail, à son sacrifice dans les abattoirs et à la consommation d’aliments d’origine animale.
Ce nouveau courant naît éloigné du milieu rural. L’ignorance de la vie rurale, de la production agraire et de l’équilibre environnemental fait que les animaux de production - de revenu – sont affrontés aux animaux de compagnie, qui ont été tiré de leur milieu naturel pour vivre dans une atmosphère humanisée, qui ne leur correspond pas.
Beaucoup d’activités humaines à grande tradition culturelle rattachées aux animaux, faisant aujourd’hui partie du monde des loisirs, sont menacées par l’intransigeance des animalistes. La chasse, la pêche, la tauromachie, les cirques, les zoos … sont le point de mire des antis qui, sans être nombreux, sont bien organisés et généreusement financés par de grands groupes internationaux.
Dans ces derniers temps il y a eu une grande prolifération d’associations animalistes comme la Human Society of United States, créé en 1954, avec 9,5 millions de membres dans le monde et un capital social de 350 millions de dollars, avec son bras armé, le PETA (People for the Ethical of Animals, 1980) très connu par ses apparitions médiatiques, comme par exemple, chaque année, au commencement des Sanfermines de Pampelune, les moitié nus tachés de rouge à la sauce tomate. D’autres associations comme le Vegan Straker Group (animaliste et végan ; Hollande), la Fundation Franz Weber (écologiste et animaliste ; Suisse), le CAS International (Comité Anti corrida ; Pays-Bas) … se sont aussi multipliées.
En Espagne, le PACMA (Parti Animaliste contre le Mauvais traitement Animal) prend assez de force, puisque lors des élections générales de 2015 il a recueilli 218.944 votes pour le Congrès et 1 034 617 pour le Sénat, bien que dans aucune des deux chambres il n’ait obtenu de représentation. Cependant, il a convoqué une manifestation le 10 septembre de 2016 à Madrid avec un large appui médiatique à laquelle environ 4 000 personnes ont participé. Le même jour, plus de 85 000 personnes ont assisté en Espagne à des corridas de taureaux, en payant leurs entrée et, dans la seule Communauté Valencienne, les populaires bous al Carrer ont attiré 105 000 spectateurs. Dans cet esprit, il y a eu à Valence, le 15 mars 2016, une grande manifestation pour la défense de la Tauromachie, qui a réuni plus de 40 000 personnes.
Le nouveau mouvement animaliste à caractère mondial va contre n’importe quelle activité humaine à grande tradition culturelle impliquant des animaux, non seulement celles qui sont rattachées aux loisirs, comme la propre production d’élevage, dont beaucoup de millions d’emplois dépendent dans le monde (1 700 millions d’emplois directs et 700 millions indirects), mais menace aussi les millions de tonnes de tous les produits nécessaires d’origine animale pour alimenter l’espèce humaine.
La Tauromachie ne devrait pas préoccuper spécialement le mouvement animaliste parce qu’elle représente très peu dans le contexte socio-économique, seulement huit pays dans le monde célèbrent des spectacles taurins, avec peu de répercussion économique. Elle a, cependant, un grand effet par la présence de la mort dans l’arène qu’ils utilisent comme déclencheur de beaucoup de protestations animalistes. Un petit succès contre les taureaux a une grande répercussion médiatique qui donne bonne conscience aux intransigeants. Les mouvements antitaurins ne comprennent pas qu’ils sont manipulés pour la grande cause animaliste de portée internationale qui prétend transformer le monde. Encore une fois l’hypocrisie apparaît dans le comportement des animalistes.
Les partis populistes espagnols, Podemos spécialement, dans leurs débuts se sont déclarés contre la Fête des taureaux.
Ensuite, ils se sont rendus compte que proposer l’interdiction des taureaux dans leurs programmes électoraux leur enlevait des votants tant est grand l’enracinement populaire des taureaux en Espagne, à nouveau l’hypocrisie. Le grand danger en Espagne pourrait venir de la couleur politique du Congrès des Députés, où une loi contre la tauromachie serait très nuisible à la Fête. En France, de même, la modification du code civil du 28 février 2015 dit que « les animaux en tant qu’êtres vivants ne sont plus des biens meubles mais des êtres sensibles » (NDLR : amendement Glavany). Une question importante : les animaux sauvages sont-ils des animaux sensibles ?
Il y a eu, au long des dernières décennies, des agissements d’hommes politiques importants qui révèlent l’hypocrisie de ceux qui attaquent les taureaux. Le nazi allemand Heinrich Himmler est sorti de Las Ventas (Madrid, 1940) effrayé par le sang et la souffrance des taureaux dans l’arène, lui qui avait ordonné le gazage de milliers et de milliers de personnes. Le précédent maire de Bogotá, Gustavo Petro, un ancien guérillero du mouvement M-19 a interdit les taureaux dans l’arène Sainte-Marie de la capitale, parce qu’il voulait réserver à l’arène des activités de vie et non de mort, en faire un espace de culture et de liberté. Quand le conseil municipal de Barcelone a remis la médaille d’or de la ville au toréador catalan Joaquín Bernardó il a dit que « ceux que nient le tradition taurine de Barcelone, ne connaissent pas l’histoire de la ville ».
L’actuelle mairesse de Barcelone Ada Colau (une indépendantiste et “podemiste”) dit qu’elle ne va pas respecter la résolution du Tribunal Constitutionnel contre l’abolition des courses de taureaux en Catalogne …
Ce qui reste aux aficionados devant les attaques c’est de défendre la Tauromachie parce qu’elle est grande, héroïque, admirable, cultivée, légale et, surtout, gravée dans l’ADN d’un grand nombre des Espagnols. De plus, les aficionados nous sommes, avec les éleveurs ceux qui aimons le plus le taureau brave, nous sommes beaucoup plus nombreux que les « antis » et, surtout, nous ne sommes pas des assassins. N’ayons pas de peurs et de complexes, mais au contraire, une conviction et une détermination à l’heure de défendre la Tauromachie.
Antonio Purroy Unanua (Pampelune)
Voir le texte original en espagnol