SOUVENIRS DE FERIAS.. LA FERIA DE MON ENFANCE
PAUL
70 ans que la Feria de la Pentecôte existe à Nîmes. Je les ai toutes connues, pas toutes vécues. La mémoire a des limites. Celles qui ont marqué ma jeunesse débutent en 1958, alors que gronde la révolte des généraux en Algérie et qu'un coup d'Etat se fomente. On voyait déjà les paras renverser la République, mais le général de Gaulle va prendre le pouvoir.
Le pouvoir ? Il se dispute aussi dans les arènes romaines : Antonio Ordoñez va s'imposer en dominant la corrida du lundi 26 mai, coupant 2 oreilles et la queue et écrasant « El número uno » autoproclamé Luis Miguel Dominguin, son beau-frère.
Cette année là, défilent à la pégoulade, les peñas de Logroño qui vont sacrément animer la ville avec le sempiternel « Valencia, les punaises sont à l'aise dans le trou des matelas » (version française) et l'inépuisable « Chicuelo ».
Le boulevard Victor-Hugo est noir de monde et pétarade sans retenue. Mauvaise donne pour les automobilistes qui s'engagent dans cette avenue, leur véhicule est secoué dans tous les sens avant de se frayer un chemin au milieu de la jeunesse nîmoise qui attendait depuis des mois et des semaines que la Feria débute.
Un véritable engouement pour ces jours de fêtes où la liberté était presque totale...
On s'y préparait soigneusement et il y avait des modes selon les années : porter des espadrilles couleur turquoise ou un petit chapeau de paille version Eddie Constantine, acteur franco-américain, qui tenait le rôle de Lemmy Caution agent fédéral américain, grand amateur de whisky et petites pépées qui préfigurait l'agent 007.
Parmi cette jeunesse, née à la fin du conflit mondial, il y avait ceux qui portaient le Levi Strauss véritable,
celui de James Dean dans «la Fureur de vivre», cher et uniquement en vente dans un magasin de la rue de l'Aspic, situé face au commerce de cuirs et peaux, et ceux qui portaient le Rica Lewis au prix de vente plus modeste mais qui n'avait pas la coupe d'un «501».
Ce vêtement classait son homme. Celui du Levi arpentait, de la Maison carrée aux arènes, le boulevard Victor-Hugo, sortait du lycée Daudet et affichait une classe sociale supérieure à ceux qui, de la galerie Jules Salles au Grand Temple, montaient et descendaient le boulevard Amiral-Courbet souvent issus du monde ouvrier.
C'était les lieux de rencontres des garçons et des filles de l'époque mais, pendant les Ferias, c'est sur le boulevard Victor-Hugo que tout le monde se retrouvait pour obtenir, massés devant le bar «le Lyon», siège de la peña Chicuelo segundo, l'apparition au balcon du jeune Jean-Pierre Vidal, futur poète, qui imitait le Général en criant «je vous ai compris» et en mettant les bras en croix.
Quelle acclamation, quel triomphe, quel succès au milieu de l'éclatement de pétards assourdissants.
Quelques brûlures sévères et plaintes déposées au commissariat ont eu rapidement raison de cette pratique. Le jet et la vente de pétards ont été interdits.
Il y avait aussi, selon les quartiers, des bandes de jeunes vêtus de la même chemise, mode inspirée sans doute de la fête votive d'Aigues Mortes.
Notre grande occupation était de suivre autour des boulevards les peñas en farandolant et en chantant.
Les rendez-vous incontournables étaient les encieros ou les abrivados de la rue de la République et du boulevard Victor-Hugo. Il y avait aussi les arènes portatives du rond-point de la place Séverine ou sur les ruines de l'ancien théâtre dont il ne restait plus que les colonnes en façade face à la Maison Carrée et qui accueillaient les apprentis toreros ou razeteurs.
Au fil des années, les lieux festifs de la feria se sont déplacés. Il y eut pendant des lustres la bar «du Gitan» près de la place Montcalm aujourd'hui démoli par l'auto-tram ; plus tard la bodega «Paquirri» sous une arche du boulevard Sergent Triaire où se servait le «fino», supplantant le pastis au mètre, la bodega du poète, rue Thoumayne, bien sûr le Prolé, la Grande Bourse... Et tant d'autres où se dansaient Sévillanas en dégustant quelques tapas.
Tous les soirs, place de l'Horloge, place Saint-Charles, les Carmes, la Placette, des orchestres faisaient dansaient les Nîmois et le stand de Radio Monte Carlo, sur la place des Arènes, faisait venir des artistes. RMC c'était aussi la chronique tauromachique de Pierre Cordelier fort écoutée en ce temps.
Et puis il y avait les arènes où chaque jour de la Feria nous attendions l'ouverture des portes vers midi pour pouvoir occuper les rangs de pierres derrière la présidence.
Le paseo débutant vers 16 ou 17 heures, il fallait une sacrée dose de patience pour rester sous le soleil de mai ou juin, mais on chantait, jouait aux cartes...
Cela se range dans les souvenirs où nous avions acheté un billet d'entrée, c'est à dire plus tard en âge.
Avant... Comme tous les jeunes nîmois ados, nous tentions de sauter les grilles, ou de passer le contrôle en courant poursuivis parfois par le garde-champêtre.
Si nous ne pouvions pas nous infiltrer, on attendait l'heure du dernier toro où les grilles étaient ouvertes et permettaient d'assister à l'ultime mise à mort, pratique aujourd'hui disparue.
Voilà quelques anecdotes et souvenirs des Ferias comme beaucoup de garçons de ma génération les ont vécus.
Mais peut-être que ces souvenirs se mêlent à d'autres et sont embellis par les années de notre jeunesse.
Marie JO
Simplement la fontaine près de la mairie où coulait du vin et où les jeunes se précipitaient pour boire.
D'autre part, lorsque je finissais de travailler je courrais aux arènes voir le dernier toro gratuitement avant de rentrer chez moi.
A l'époque on faisait la queue pour acheter les places de corrida. Ensuite, pour être bien placé aux amphithéâtres, on faisait la queue derrière les grilles avant que les arènes ouvrent. Puis on attendait 2 heures avant que la corrida commence. Fallait être de grands aficionados !
Voilà les seuls souvenirs que j'ai des ferias.
ERIC
Mes parents n’étaient pas taurins, dans ma famille non plus, seul mon grand-père paternel sans doute l’était un peu mais plutôt bouvine car j’ai entendu parler qu’il allait en Camargue et à Méjannes mais j’étais encore jeune quand il est décédé donc je n’en sais pas plus.
Jeune j’habitais le quartier de La Gazelle à Nîmes, un peu à l’écart du centre- ville et l’animation de la Féria n’y parvenait pas vraiment. Je me souviens qu’aux périodes de féria nous jouions à faire le toro en criant des Olé, mais j’ai un vague souvenir de ces jeux à la récréation, je ne pense pas avoir vu de pégoulade non plus à cette époque, mes parents ne descendaient pas voir les animations.
Par contre je me rappelle assez bien vers les sept, huit ans, pendant la période de féria à la maison c’était l’occasion de voir des cousins parisiens, par la même je découvrais que j’avais des cousins à Paris !!! , car en dehors de cette période je ne les voyais jamais, et ils devaient être aficionados car ils parlaient des toreros, des toros, usaient de mots espagnols je ne comprenais pas grand-chose.
Ma mère qui était bonne cuisinière leur préparait ou la rouille Graulène ou bien les blancs de seiche à l’américaine et souvent un flan en dessert.
Une fois je me souviens ils avaient entrainé mon père pour aller voir une corrida, et on avait amené le petit, le petit c’était moi. Nous avions vu la corrida, il y avait beaucoup de monde, ce devait être des bons qui toréaient, à la sortie je pense que ça avait duré un peu dans les bars, et nous étions revenus un peu tard à la maison, mon père avait pris le voyage, il avait dit à ma mère qu’il ne trouvait pas de cigarette et qu’il avait cherché longtemps, c’est drôle que je me rappelle de ça, mais je pense que tout le monde l’avait chambré.
Lorsque que je suis passé en sixième, je suis allé au collège du Mont Duplan, un peu plus vieux de 3 ans et plus proche des boulevards, pendant les férias, nous allions sur les boulevards et faisions péter des pétards à mèche, ce devait être la mode tous les jeunes avaient des foulards.
Pendant quelques jours les airs au Top Féria étaient , Valencia les punaises sont à l'aise dans les trous du matelas, Toréador ton cul n'est pas en or, j'ai, j'ai, j'ai quelque chose dans le cul qui m'empêche de marcher, la rincette, la rincette c'est un vin qui me monte à la tête, 51 je t'aime j'en boirais des tonneaux , et qui avaient comme final lala lala lala lala.
Plus tard nous avons déménagé et habité à la rue de la République, j’avais 10/12 ans , là nous étions plus au cœur de la fête, j’ai vu les taureaux dans la rue, les bandas, la pégoulade, le quartier était un peu plus animé, à la place Montcalm il y avait le bar le Kalisté les gens buvaient dehors, il y avait aussi le bar le Gitan dans la rue du Cirque Romain, je me souviens qu’un copain à mon père qui avait une bonne verve mettait de l’animation, j’ai revu la photo dernièrement sur un livre, il s’appelait Jean HEYRAL, je crois qu’il faisait le transport des toros, j’ignore s’il y avait un lien de parenté avec l’HEYRAL que nous connaissons actuellement, un gardian était rentré avec son cheval dans le café, les gitans jouaient de la guitare dans la rue.
Et puis progressivement j’ai eu la permission par mes parents de rentrer un peu tard , puis encore un peu plus tard, et j'ai commencé à faire la fête, et avec les filles , en groupe sur les boulevards, le Victor, l’Amiral, rendez- vous sous l’horloge du lycée.
Il y avait les abrivados sur les boulevards, les rues n’étaient pas fermées, il arrivait qu’un toro s’échappe, je crois qu’un toro était rentré dans le magasin d’habits "Raphael habille bien" il avait mis pas mal la panique au milieu des fringues, il y avait aussi le toro piscine à la place Séverine, les orchestres sur les places de la mairie, de St Charles, à la placette , nous on suivait le groupe Jo Allan. On buvait des coups au Prolè ..
Nous ne fréquentions pas les bodégas, je me demande même s’il y en avait, mais les comptoirs sur les boulevards, il y en avait, c’est sûr.
A cette époque il y avait seulement 3 corridas, nous rentrions aux arènes pour le dernier toro, une fois pour faire comme les autres garçons je suis passé entre deux barreaux des grilles, j’ai juré que je ne le ferai plus.
Je me rappelle quand je suis allé au collège de Saint Stanislas mon prof de dessin était Jean Pierre Formica, pour la feria nous faisions des dessins autour de ce thème, il n'était encore connu comme artiste.
Et puis nous avons eu la mobylette.. notre fief c’était le Gambrinus, il y avait les chevaux aux jardins de la Fontaine, la promenade du Jean Jaurès était en terre battue, il y avait la foire.
Le lundi matin les joutes dans le canal .
Après la fiesta à Nîmes le soir nous allions à Caveirac, à Garons pour les Encieros de nuit.
Je me rappelle une fois je portais un collègue, nous avions fait de la sangria dans un seau, arrivés à Garons il n’avait plus que la anse dans les mains, nous avions perdu le seau et son contenu.
Quelques temps plus tard, je faisais du sport en scolaire ( ASSU) et en même temps à l’ENA (Entente Nîmoise d’Athlétisme), lors des entraînements au stade municipal Marcel Rouvière je côtoyai Montcouquiol (Christian) autour des terrains de foot, lui il courait parfois avec les Pro de Nîmes Olympique, les joueurs du NO faisaient des matchs de tennis ballon ou des parties de foot sur les terrains de Basket sous les pins, à cette époque il n’y avait pas les Costières, ni le complexe de la Bastide, par contre il y avait des joueurs volontaires et physiques et une équipe que tous les grands clubs de l’hexagone redoutaient, surtout dans le chaudron de Jean Bouin, et là il y en avait des OLE, et attention aux matchs qui tombaient en période de férias, s’il y avait victoire là c’était chaud..
Des collègues m’avaient dit que Montcouquiol faisait torero (il n’avait pas encore pris l’alternative), il avait quelques années de plus que moi, à partir de cette période je me suis davantage intéressé à la tauromachie et j’ai fréquenté les arènes plus régulièrement.
Nous allions aux arènes très tôt en amenant à manger, sur les gradins il faisait chaud nous étions au cacaracà perchés en haut des amphis Je me rappelle des maestros Paquirri, Espartaco, Ojeda, lors d’un tour de piste un spectateur lui avait envoyé un lapin blanc. 1983 ces toreros coupaient des oreilles et des queues en pagaille.
En juin 1976 je suis parti faire mon devoir militaire, affecté d'abord à Sainte Marthe à Marseille puis à Lyon à Sergent Blandan, pour ceux qui connaissent, mes deux seules campagnes !!!
Plus tard, il y a les années Bousquet, les années people, la feria champagne, le développement des cassitas des bodegas, la médiatisation de la feria, avec Philippe Corti, Mourousi, Christian Lacroix, Régine, Inès de la Fressange, autant de corridas que de jours de la semaine, des concerts sur le parvis des arènes, sur celui de la Maison Carrée, je me souviens de la Primavera et les novilladas sous la bulle...Loré, Jesulin, Chamaco.
MARIE CLAIRE
Souvenirs de féria par Marie-Claire DURAND-DAUDET, nîmoise et membre du Cercle Taurin NÎMOIS.
Je me souviens des jours anciens et je… ne pleure pas ! La Féria, la fête de mon enfance, la Féria de mon adolescence, de ma jeunesse, de tous ces moments de ma vie de nîmoise dans la féria, tout simplement ! Ces souvenirs, qui pour certains, sont restés gravés dans ma mémoire.
Je ne vous dis pas mon âge, vous le devinerez…
Les premiers, datent de mon enfance, ils sont au nombre de trois. Il y en a un qui est un peu flou, tellement flou que je me demande si je n’ai pas rêvé, mais je ne crois pas ! Je pense que c’était lors d’une des toutes premières férias de Pentecôte, peut-être la première ! J’ai le vague souvenir, enfant d’avoir eu très peur devant un char qui brûlait en envoyant des fusées incandescentes dans tous les sens. J’étais devant les Arènes avec mes grands-parents. C’était un toro de fuego lors de la pégoulade ou quelque chose qui y ressemblait ?
D’autre sont plus précis, c’était lorsque j’habitais la rue Fresque, j’avais 7 ou 8 ans.
Dans cette rue, en face de chez nous, il y avait le Bar de l’Arceau à l’angle de la rue des Patins, l’actuel 421. Quelle ne fut pas ma surprise, ma stupeur face au spectacle qui se présenta à mes yeux d’enfant, lorsque un matin de féria, à l’heure de l’apéro, je vis entrer dans le café deux hommes en grandes blouses tenant au bout d’une longe un bœuf tout décoré avec des fleurs et des pompons ! Allaient-ils lui faire boire un des Pastis alignés sur le zinc ? Je ne sais pas si d’autres personnes ont assisté à de telles scènes, c’était très surprenant !
Et maintenant, avec du recul, celui qui pour moi est le plus important et qui m’a le plus marquée ! Il est lié à l’amitié qui unissait mes parents à Louis HEYRAL dit « Loulou ». Il fut le premier alguazil officiel de la Féria de Pentecôte. J’étais très impressionnée de le voir sur son cheval, dans son costume noir, sur la piste des Arènes. Ce monsieur important, moi petite fille, je le connaissais !
Je le connaissais tellement bien, qu’avant la corrida nous allions le voir lorsqu’il préparait ses chevaux. Alors là j’ai eu un privilège qu’aucun autre enfant n’avait ! Loulou m’installait sur un des chevaux de picador et me faisait faire le tour des Arènes. J’avais un peu peur, c’était impressionnant, mais je n’étais pas peu fière !
A cette époque, il n’y avait pas de grille aux Arènes et tous les chevaux caparaçonnés, prêts pour la corrida attendaient derrière les arcades ! Oui beau souvenir d’enfance et de féria !
Adolescente, c’est la fête dans la ville dont je me souviens, avec la venue des penas espagnoles invitées par la municipalité et qui logeaient dans certains de nos établissements scolaires. Nous attendions la sortie du collège avec impatience car dehors c’était la joie, la fête nous attendait. Nous nous retrouvions filles et garçons, il n’y avait pas de mixité dans les collèges et les lycées, nous faisions le tour des boulevards en suivant les groupes de musiciens et c’était des danses endiablées en farandoles, en cercles, accompagnées de chants ; Certains se souviendront « Tralala, tralala, tralala ! Chicuelo…♪♪♪♪ » !
Nous allions aussi aux corridas, ça faisait tout naturellement partie de la fête. Nous montions aux « amphis », notre argent de poche ne nous permettait pas de descendre plus bas ! Nous y allions très tôt, avec pique-nique, pour avoir de la place. Période des cerises oblige, les noyaux profitaient des lois de la pesanteur pour atterrir sur la tête des spectateurs du bas. Des yeux noirs se tournaient vers nous avec parfois quelques échanges imagés mais bons enfants ! Nos connaissances de la corrida se forgeaient à l’écoute de copains ou de voisins plus informés que nous. Ce qui était important, c’était l’ambiance et quelle ambiance !
Plus tard, adultes, c’est la venue d’amis de différents coins de France que nous invitions à venir faire la fête. Nous avons eu le plaisir de leur faire partager le moment important de l’alternative de notre torero nîmois, Nimeno II. Après la corrida, je garde le souvenir de soirées inoubliables dans les maisons des uns et des autres où nous nous retrouvions pour manger, boire chanter et danser ! Un ami nous avait fabriqué une banderole apposée sur notre portail « ICI LA BODEGA DUDU » !
Ce qu’il faut retenir, c’est que pour les nîmois, la Féria de Pentecôte, c’est la fête des fêtes à tous les moments de notre vie ! C’est un peu de notre histoire, de notre culture commune, « de notre ADN » comme on dit aujourd’hui ! Culture qu’il faut préserver, transmettre… Nos souvenirs sont là pour la perpétuer !!!