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LE PASEO

Publié le par cercletaurin.nimois

Un deuxième poème d'Emile Reinaud, ancien Maire de Nîmes, lu en 1906 devant l’Académie de la cité romaine dont il était membre, sous le titre « AUX ARÈNES DE NÎMES ».
 
Dans ce Paseo résonnent les accents de Carmen, et défilent les images intemporelles de la fière allure des alguazils, de l'or flamboyant de l'habit de lumière, du superbe équipage des picadors bardés de fer, et des mules coquettes, reluisantes sous les plumets... Tout comme dans "l'Amphithéâtre", un siècle plus tard, la magie opère toujours, l’aficion qui perce dans cette poésie est la nôtre.  Voici "Le Paseo".  
LE PASEO

LE PASEO

 

Quatre heures sonnent et soudain

Les deux battants des portes s'ouvrent

Aux accents joyeux de Carmen,

Et les alguazils que recouvrent

Les justaucorps de noir velours

De caracoler dans l'arène.

Drapant sous les plus beaux atours

Leur torse à l'allure hautaine,

Bien en forme, les Espadas

Fiers de leur cape de parade

Complaisamment rythment le pas

Vers la tribune de l'Alcade.

Viennent ensuite deux par deux

Les toreros aux bas de soie

Dont les costumes somptueux

Où l'argent brille, où l'or flamboie

Sont rehaussés par le soleil ;

Et puis le superbe équipage

Des picadors dans l'appareil

Des chevaliers du moyen-âge

Bardés de fer et les valets

D'arène et les mules coquettes

Reluisantes sous les plumets,

Les gais rubans et les clochettes.

Au cours du paseo, le peuple s'est dressé ;

Jusqu’au salut final les mains n'ont pas cessé

De battre et d'applaudir : est-il décor qui vaille

Cette scène réglée en matin de bataille ?

Aux arènes de Nîmes

Publié le par cercletaurin.nimois

Un recueil vieux de cent ans livre quelques poèmes d'Emile Reinaud. Cet  ancien maire de Nîmes présenta sa poésie en 1906 devant l’Académie de la cité romaine dont il était membre, sous le titre "Aux arènes de Nîmes". Ces vers traduisent avec une familiarité intimiste l’éternelle splendeur de l’amphithéâtre "incrusté de chair vive", l’or des gradins brulés par le soleil, la voix échappée du vomitoire ou la rumeur bourdonnante de la foule. Un siècle plus tard, la magie opère toujours, l’aficion qui perce dans les vers d’Emile Reinaud est intacte : c'est la nôtre.  Une série de six poèmes à savourer lentement en cette trève taurine ivernale, dont voici le premier.

C.C.

L'AMPHITHÉÂTRE

Quatre heures vont sonner ;  à travers le ciel bleu
Le soleil fait couler un déluge de feu
Sur les gradins dorés d'une antique ordonnance.

Dans l'atmosphère flotte une rumeur immense :
Les essaims bourdonnants, pêle-mêle établis,
Recouvrent tous les blocs, se glissent dans les plis
Du vieil amphithéâtre incrusté de chair vive,
Énorme grappe humaine à l'âme sensitive.
Les éventails légers dansent au bout des doigts,
Mille ombrelles en fleurs palpitent à la fois.
En haut, les tard venus ont mis une couronne
Sur ce panorama vivant qui papillonne
Depuis le podium jusqu’au dernier gradin.
Les lazzis, pour tromper l'attente, vont leur train:
« Qui n'a pas, dit la voix qui sort du vomitoire,
» Son petit vent du Nord?» ou «Qui désire à boire ?»
Dès l'abord, dans ce cadre auguste, original,
Le spectacle  apparaît épique et non brutal,
Jeu d'un peuple poli, non d'un peuple barbare.
Que sera donc celui qui tantôt se prépare ?
Du monument romain aura-t-il la grandeur ?
Essayons d'écouter de près battre le cœur
De cette foule en liesse et voyons si son âme
Est digne qu'on l'admire ou digne qu'on la blâme.

Emile Reinaud

Poésie : le toro

Publié le par CTN

 

 

LE TORO

Coup de clairon ; un toro mugissant
Au garrot large, à la robe d'ébène,
Au jarret sec, les cornes en croissant,
De son seul souffle a balayé l'arène.
Pour éblouir l'animal, le hardi
Capeador vient dérouler la cape
Devant son mufle et d’un geste arrondi
Le fait passer, pirouette et se drape.
Vers la barrière attend le picador :
Le toro fond sur la frêle cavale,
S'allume au fer, sur eux prend son essor :
Choc effrayant ! chute monumentale !
Mais d'un appel de cape justicier
(Quite opportun qui détourne la bête)
Le matador sauve le cavalier
Qui sur sa selle à remonter s'apprête.
A la muette horreur de ces effondrements,
Ont vite succédé les applaudissements
Sonores, prolongés, comme un coup de tonnerre
Qu'annonce de l'éclair la lueur éphémère.
Souvent, mal protégé, peu propre a ces combats,
II se peut qu'un cheval ne se relevé pas.
Eh ! que de fois rompant des lances dans la lice,
Les anciens preux ont fait un même sacrifice !
Mais quelle gloire aussi, pour le coursier, de voir
Son ennemi mortel fuir la pique et déchoir !
Les sifflets, d'autre part, ne se font point attendre
Si la brute fuyant ne veut pas se défendre,
Si le lourd picador décompose un taureau
Ou maladroitement lui déchire la peau.


Emile Reynaud - “Aux arènes de Nîmes” 1906