Il n’y a pas de mauvais cinquième

Publié le par Paul Bosc

Il n’y a pas de mauvais cinquième

Saint Martin de Crau, samedi 23 avril 2016

Il aurait fort bien pu ne pas sortir du toril des arènes Louis-Thiers de Saint-Martin de Crau en ce samedi de Feria. Il aurait pu se battre dans les prés des Jasses de Bouchaud sur la route des Saintes-Maries à Arles sur la propriété de la ganaderia Pagès-Mailhan, être blessé, mourir. Au contraire des autres élevages de cette corrida de competencia entre ganaderos français de Camargue et de Crau : Jalabert, Granier, Tardieu, Christophe Yonnet et Gallon, la Unica n’avait pas le choix : il n’y avait que ce toro pour représenter l’encaste santa-Coloma acquis en 2000 par Pascal Mailhan et Philippe Pagès.

Mais les propriétaires devaient croire en son destin pour le baptiser « Poderoso » (puissant en espagnol). Son poids annoncé était de 530 kg et il était né voilà tout juste 4 ans, en avril 2012. Son cuir était noir, ce qui n’est pas la caractéristique principale des Santa Coloma mais peut-être est-ce dû aux origines César Chico ou bien des sémentales de Hubert Yonnet. Et il était aussi puissant que son nom voulait bien le dire. Par quatre fois il alla chercher dispute à Francisco Vallejo monté sur un des chevaux-vedette de la cavalerie Bonijol. Quatre fois sans rechigner avec force et bravoure. Et il en tenait encore sous les sabots pour vendre chèrement ses deux oreilles à Pérez Mota, conseillé de la contre-piste, par le tonitruant Rafael Corbelle son apoderado. Un combat, un vrai, source de la vraie tauromachie. Et les clichés se mélangent dans la mémoire de voir ce torero vêtu de noir et d’ors, dans les séries de derechazos et de naturelles. Et les images restent muettes pendant qu’il lève l’épée pour abattre la bête qui a tout donné. Deux oreilles ont été accordées par le président Jacky Boyer et un tour de piste posthume à « Poderoso ». Dans le callejon, Pascal Mailhan a regardé partir le toro avec un sentiment de tristesse sur le visage et son fils Pierre, qui aspire à devenir matador, s’est signé de la croix. Puis le torero andalou a reçu l’ovation de la foule d’une arène fort bien garnie au son d’un paso doble.

Comme dit le proverbe taurin : « il n’y a pas de mauvais cinquième », ordre de sortie de « Poderoso » mais avant lui Peréz Mota avait dû rencontrer un toro des frères Jalabert, pas facile, qu’il était même bien difficile de faire sortir de la querencia qu’il avait choisie en face du toril.

Et puis il y avait au cartel un autre Pérez : Roman Pérdez, torero français qui avait accepté de toréer ce genre de corrida pour la première fois de sa carrière. Alors face au toro des frères Gallon (encaste Domecq), qui reçut trois piques, il composa la figure, toréant lentement comme s’il jouait une « solea » sur sa guitare flamenca et l’estocade en place et rapidement concluante fit lever les mouchoirs blancs pour lui accorder l’oreille de « Opresoro » âgé de 5 ans et pesant 520 kg. Double facette de son toreo au sixième, avec un lourd toro des frères Granier, bien dans le type des Santa Coloma avec son cuir caractéristique gris clair qui perdit la corne d’un sabot en course, réduisant le tercio de pique à une seule rencontre mais qui reprit du poil de la bête pendant la faena et fit perdre les papiers au torero. 2 avis ont sonné avant que « Alindido » se couche.

Quant à Salvador Cortés, si le Tardieu séduit lors des trois piques face au picador Vicente Moreno qui se levait sur sa selle, la lance au bout du bras et criant des borborygmes, sa faena ne fascina pas beaucoup. Par contre face au Christophe Yonnet, ses séries ont été bien plus cadencées et évidemment mieux appréciées. Il quitta Saint-Martin-de-Crau sans trophée mais aura laissé le souvenir d’un torero sérieux et appliqué.

Dernière anecdote : les trois toreros ont effectué le paseo têtes découvertes marquant leur premier passage dans ces arènes.

Paul Bosc