Triste feria

Publié le par Charles CREPIN

Triste feria

Triste Pentecôte nîmoise, critiquée dans la presse taurine et les tertulias pour le bétail vu en piste : saucisses, sardines, bonbons mous bien sucrés, charlotade, etc. Cette dérive sémantique traduit une réelle lassitude et une frustration grandissante au sein de l’aficion comme d’autres publics, inspirée par des courses placées sous le signe de la faiblesse, de l’absence de bravoure et de caste, ainsi que d’une présentation indigne de la catégorie revendiquée par la 1ère place taurine française. Au bilan, 24 oreilles tout de même…

L’annonce des cartels donnait déjà quelques signes annonciateurs de ce revers. Non pas seulement à cause de l’exclusivité de l’encaste Domecq, qui dans certaines grandes arènes présente des exemplaires bien mieux dotés et même parfois des comportements plébiscités. Mais surtout par le medio-toro de basse catégorie décrit plus haut, dont l’empresa nîmoise s’est fait une spécialité, sans concession à la variété ni surtout à la qualité souhaitée par les aficionados.

Des nîmois déçus, chaque année plus nombreux pour la Pentecôte, désertent leur amphithéâtre au profit de Vic Fézensac. Il en est de même pour la fréquentation des aficionados en provenance d’autres régions taurines, qui ont glissé sur la même pente. Nîmes ne séduit plus l’aficion autant qu’avant, et ce mouvement risque d’aller a mas

Qu’importe : l’organisateur nîmois est conforté par la présence de touristes encore assez nombreux. Cas unique en France, et sans doute en Espagne, il est dégagé des obligations réglementaires et affranchi des contrôles en vigueur dans les autres places taurines. Il semble enfin avoir les coudées franches et bénéficier du quitus pour sa gestion. C'est sans doute ce qui lui permet d’afficher publiquement son mépris de l’aficion.

La question !

Publié le par cercletaurin.nimois

La Feria de Nîmes comme vous l’avez (sans doute) connue !

Publié le par Paul Bosc

La Feria de Nîmes comme vous l’avez (sans doute) connue !

C’était hier ! C’est-à-dire soixante ou soixante-dix ans dans le passé, même s’il nous semble que nous venons de le vivre. Dans un autre siècle. En 1952, la feria de Nîmes vient de naître par l’action de cinq sociétés taurines : le cercle taurin nîmois, l’Aficion cheminote, Lou Ferry, les Amis de Toros et l’Union taurine nîmoise afin de créer un week-end taurin avec, en cette occasion, le 37ème congrès de la Fédération des Sociétés Taurines de France.

Ce souvenir-là n’est pas resté gravé dans le disque dur de la mémoire. Trop jeunes, trop petits ces enfants nés à la fin de la guerre. Tout juste reste-t-il pour leurs premiers émois tauromachiques, le taureau « Vovo » ou un film : « la Course de taureaux » et les couleurs éclatantes des costumes des toreros, ces capes rose et jaune, ces muletas toutes rouges quand leurs parents les emmenaient voir « le dernier toro » quand il y avait une corrida aux arènes. Les portes s’ouvraient alors gratuitement et il fallait grimper avec nos petites jambes de bambins les marches de l’amphithéâtre pour apercevoir la faena du torero. C’était magique et magnifique.

Puis les années ont passé. La Feria de la Pentecôte a échappé aux sociétés taurines qui auraient bien voulu que la municipalité Tailhades et le directeur des arènes Ferdinand Aymé leur laissent les coudées franches pour organiser les corridas mais en 1954, la Feria était déjà devenue un rendez-vous important et il fallait organiser des animations dans la ville. En février, les sociétés taurines qui n’étaient pas satisfaites des résolutions prises par la municipalité, quittaient le Comité de la Feria. Dès lors c’est la municipalité et le directeur des arènes qui allaient gérer l’ensemble de la Feria.

Jusqu’à l’élection de Jean Bousquet à la tête de la mairie en 1983, la Feria de Nîmes connaîtra à peu près la même programmation. La Pégoulade rassemblait autour des boulevards de l’Ecusson toutes les forces vives de la ville : les Allobroges nîmois qui défilaient en tenues d’athlètes tout blancs, les Mireilles et Arlésiennes, les fifres et les tambourins, les fanfares des sapeurs-pompiers, celles de l’armée, les gardians bien sûr, les enfants des écoles et les premières « peñas » qui venaient de Logroño, suivies par toute la jeunesse nîmoise qui dansait, sauter et chanter : « Valencia, les punaises sont à l’aise dans les trous du matelas » ou accompagnait de tonitruant « Chicuelo – Chicuelo » trois notes de trompette. En 1958, ce matador valencian avait triomphé dans l’amphithéâtre nîmois et était devenu la coqueluche des aficionados. Il devait disparaître deux ans plus tard dans un accident d’avion en se rendant en Amérique du Sud.

Sur le boulevard Victor-Hugo, au café du Lyon, la nouvelle peña Chicuelo II tenait son siège et au premier étage, on scandait le nom de Jean-Pierre Vidal dit « le Poète » qui imitait le général de Gaulle. Des pétards éclataient de partout et les automobilistes qui empruntaient le boulevard se faisaient secouer les amortisseurs. Quelques années plus tard le tintamarre pétardaresque était interdit. A la fin de la Pégoulade, les groupes entraient dans les arènes pour, à tour de rôle, jouer un morceau ou faire une démonstration de leurs activités. Les boulevards étaient noirs de monde et les arènes emplies jusqu’aux drapeaux. A l’époque des oriflammes étaient fixées dans les emplacements du velum romain.

Autre spectacle qui connut un succès énorme, celui de la troupe « El Gallo » et qui était programmé toutes les années. Emmenée par le bondissant André Loubatière, la troupe se voulait « comico-taurine » avec des « Charlots » et des taureaux pour la partie comique et des sketches musicaux pour la partie « sérieuse ». Elle avait vu le jour à Aigues-Mortes pour animer les fêtes locales mais, quand le succès devint grandissant, les musiciens qui entraient dans la troupe étaient de plus en plus professionnels et pas seulement de la cité du sel. Quand Simon Casas devint directeur des arènes, Jean Bousquet exigea que la Feria devienne un rendez-vous international entre le Festival de Cannes et le tournoi de Roland Garros. Le directeur des arènes élimina en 1984 le spectacle, le trouvant aussi ringard que celui de « Holiday sur glace » qui occupait les étés nîmois.

Dans ces années 1950-60 et 70, la course camarguaise et le traditionnel défilé des gardians faisaient partie intégrante de la Feria avec évidemment encierros, bandidos et abrivados et plusieurs arènes portatives étaient installées en ville notamment derrière les colonnes de l’ancien théâtre dévoré par un incendie criminel en 1952, ou place Séverine.

Aux arènes, les aficionados nîmois se pressaient dès le matin devant les grilles en attendant midi, heure où les portes s’ouvraient pour les « Amphithéâtres », les billets non numérotés. Juste derrière la présidence, ces places inconfortables certes, étaient non seulement les premières à l’ombre mais aussi offraient une vision de la piste idéale. Mais il fallait attendre de longues heures avant le paseo. Aussi ce public populaire entrait avec « armes et bagages » c’est-à-dire avec le traditionnel déjeuner qui comportait souvent « rayolette » des Cévennes, pastis ou cartagéne, omelette, jambon et bien sûr du vin. Pour occuper le temps libre, on jouait aux cartes. Certains jouaient de la trompette et d’autres répondaient aux accents cuivrés par le « Chicuelo » de circonstance. On faisait tourner des rouleaux de papier-toilette et il y avait une belle bronca pour celui qui déchirait le long ruban.

Si la corrida n’était pas bonne, les mêmes rouleaux de papier descendaient jusqu’à la piste et les broncas résonnaient dans les vieilles pierres. Tout cela a cessé d’exister. Les trompettes et les bouteilles de vin ont été interdits, le sixième toro ne donne plus l’opportunité aux jeunes de venir découvrir la tauromachie. Les broncas n’existent plus, remplacées par des silences. Plus de déjeuner aux arènes, plus de papier-cul, il est aussi interdit de s’installer sur l’attique pour des raisons de sécurité, des barrières ont été mises en place pour gagner des places numérotées, il n’y a plus, non plus, le sport favori des jeunes nîmois qui consistait à sauter les grilles pour resquiller.

C’était une autre époque. Celle de notre jeunesse.