MANOLETE, un profil
En 2017, on va beaucoup parler de Manolete dont c'est le centenaire de la naissance. Et coïncidence, c'est aussi le 70ème anniversaire de sa mort. Né à Cordoue en 1917, mort dans l'arène à Linares en 1947, des lieux privilégiés pour notre prochaine pérégrination en terre espagnole.
En attendant, je vous propose de revenir sur le profil particulier de ce torero emblématique dans cet article que j'avais publié en 2009 sur Vingt passes, pas plus. Adulé mais aussi décrié durant sa fulgurante carrière, Manolete fut arrêté net dans sa course par la corne d'un pensionnaire de Miura.
C.C.
MANOLETE est aussi le héros d’une légende noire, fragile et contrefait par des soupçons de trucage et d’artifices que le temps n’a pas totalement effacés. Son image reste pour certains celle d’un torero habile motivé par l’argent, et grandi par sa mort. Lieux communs et critiques intégristes ont longtemps alimenté ce sombre portrait, accusant le célèbre maître d’avoir toréé des « becerrotes afeitados » et dénonçant son toreo de profil, une faute impardonnable pour les gardiens du temple belmontiste. Et pour finir, son écrasante domination finit par lasser un public toujours plus exigeant, ce qui fit dire à MANOLETE, désabusé : « Je ne pense pas qu’on puisse toréer de plus près ni plus immobile qu’on l’exige de moi, à moins de monter sur l’animal (…) ».
Paix à son âme. Avec du recul, les reproches qui lui ont été faits ne semblent pas tous fondés. L'utrero (toro de 3 ans) toréé par MANOLETE était la règle dans l'Espagne d'après guerre. Tous les toreros sans exception ont combattu des utreros jusqu’en 1973 ! Et puis, ces novillos auraient sans doute pu rivaliser de caste et de dangerosité avec beaucoup de nos cuatreños actuels ! Ensuite, à propos de l’afeitado, vous savez sans doute que cette pratique centenaire a toujours autant d’adeptes… Parlons d'argent. Inflation comprise, les cachets de MANOLETE étaient sans doute plutôt modérés comparés à ceux de nos riches figuras d'aujourd'hui. Et enfin, venons en au toreo de profil, car c'est la question intéressante. On a vu plus haut combien plusieurs générations de toreros ont emprunté à ce style (sans faire toujours aussi bien que MANOLETE...). Vue sous cet angle, la querelle faite à MANOLETE paraît un peu étroite, non ? En tout cas, en décalage avec ses passes serrées « au fil de la corne » et chargées d'émotion. L'aficionado reste parfois perplexe et frustré devant cette éternelle dualité du couple « toreo belmontiste / toreo profilé ». A cet égard, les citations reprises ci-dessous permettent d'élargir un peu les points de vue.
C.C.
« - En el toreo, todo lo que no sea cargar la suerte, no es torear sino destorear" Domingo Ortega.
COMPRENDRE LA CORRIDA - Éditions atlantica 2001
François ZUMBIEHL - MANOLETE - Éditions Autrement 2008
Je vous propose également de profiter des derniers jours de la diffusion d'un excellent reportage d'Arte en vidéo sur le site de la Fédération des Sociétés Taurines de France en cliquant sur le lien http://torofstf.com/content/le-documentaire-darte-sur-manolete-est-visible-ici-jusqu%C3%A0-vendredi
Vous y verrez à cette occasion l'intervention très documentée et pertinente, comme à son habitude, de notre amie l'historienne Araceli Guillaume-Alonso qui animera notre Jeudi du Cercle du mois de Mars prochain.